Polygaymie française

In "CE QUI SE PASSE", MIND STORM, PROPAGANDA
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Il y aurait pas mal à dire sur le traitement qu’on inflige ces temps ci à l’idée de liberté (tiens, ce sera d’ailleurs une question traitée dans le prochain post (oui, je fais du teasing)). L’une des torsions que subit le terme date simplement d’hier : le député (oui, le dé-pu-té, ce type est élu, ça en dit long sur ce qu’on a fait, aussi, du concept de démocratie, non ? Bref, total respect aux électeurs, après tout, ces bulletins de vote valent sans doute pas mal de cachets de prozac) Christian Vanneste, élu de Tourcoing (ah, voilà qui va calmer un peu les enthousiasmes nordophiles qu’on subit depuis que tout le monde s’appelle « Biloute » en se donnant des grandes tapes fraternelles dans le dos), voit l’Etat français lui reconnaître le droit de dire ce qu’il pense de l’homosexualité, au nom, apparemment, de la liberté d’expression.

Bon.

Prenons des gants : bien sûr, on ne dira rien des homosexuels eux même, non, c’est du principe même de l’homosexualité qu’on pourra dire le plus grand mal, librement. Les homosexuels, eux, auront la liberté d’entendre dire que leur homosexualité fait d’eux des êtres inférieurs à ceux qu’ils devraient donc considérer comme leur modèle (quel être humain ne voudrait pas s’élever vers le Bien ?) : leurs frères et soeurs hétérosexuels (enfin, « frères et soeurs », j’aurais du écrire « grands frères et grandes soeurs », pour être plus proche de la visée vannestienne). Bien entendu, en tant qu’êtres, ils sont égaux aux autres, c’est juste leur homosexualité qui les dégrade. Il va falloir s’y faire : aujourd’hui on prend ce genre de gants pour manipuler ce genre de propos. Si vous avez bien suivi la leçon, alors vous saurez que pour ne pas « se faire prendre », on ne dira pas que les personnes de couleur sont inférieures à celles qui n’ont pas de couleur, mais on dira, par exemple, que la nonchalance des peuples africains réduit ces hommes et ces femmes à un degré de développement inférieur à celui des peuples européens (vous voulez le formuler autrement ? Une proposition : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. » La liberté d’expression permet de l’affirmer sans être inquiété. On affirmera même que cela s’appuie sur une réflexion philosophique, tout comme Christian Vanneste met facilement en avant sa formation philosophique pour valider de manière autoritaire (et bien que l’argument d’autorité ne soit justement pas philosophique) ses thèses. Donc, si on a bien appris sa leçon, ce ne sont pas les noirs qui sont inférieurs, c’est la négritude qui est un principe inférieur à la euh… blanchitude (qu’on appellera, généreusement « humanisme »), ce ne sont pas les homosexuels qui sont inférieur aux autres, c’est l’homosexualité en tant que principe qui est inférieure à l’hétérosexualité. Autre temps, même moeurs, mais formulations plus prudentes (derrière ce mot, bien sûr, ne voir qu’hypocrisie, certainement pas une quelconque vergogne : Christian Vanneste le dit lui même, après coup; finalement, il regrette le mot « infériorité ». Il préfèrerait dire aujourd’hui que l’homosexualité, c’est simplement « moins bien ». Prudence, quand tu nous tient… Vergogne, quand tu nous lâches…

Mais, après tout, acceptons le principe selon lequel c’est « idée contre idée », libéralement. C’est quoi le propos ? Simplement de dire que si l’humanité était entièrement homosexuelle, elle disparaitrait. Bien. Il s’agit d’un beau raisonnement par l’absurde (du type : si ma tante en avait, on l’appellerait « mon oncle »). En gros, si les choses n’étaient pas ce qu’elles sont, elles seraient différentes. Ce qu’il y a de bien avec les évidences simples, c’est que vous allez forcément trouver une certaines quantité d’esprits simples, convaincus d’être dotés d’une quantité suffisante de ce bon vieux bon sens, qui vont prendre ça pour une révélation. Précisons, tout de même, que ce premier argument est faux : on pourrait tout à fait imaginer une société majoritairement homophile, qui assurerait néanmoins la reproduction en contraignant les hommes à s’accoupler avec des femmes, afin d’assurer la reproduction, mais conservant les formes les plus élevées de la relation à l’autre dans la sphère masculine. Nous sommes, d’ailleurs, héritiers de cette culture là, puisqu’elle caractérise le monde grec de l’antiquité (et, après tout, elle désigne assez bien le monde méditerranéen, en tant que cercle où, certes, on se marie, mais si on doit choisir avec qui on va passer ses journées, ses soirées, avec qui on va faire la fête, discuter politique, et même, peut être bien se passer la main sur l’épaule dans la rue, on le fera entre hommes, et certainement pas en compagnie des femmes : de telles cultures existent, et elles ne semblent pas avoir de problèmes de démographie). On peut donc considérer, avec Christian Vanneste, qu’en effet, si personne ne daignait copuler dans l’objectif de la reproduction, on aurait un problème. Mais, prenons le au mot, et élargissons son propos.

Sa logique me fait penser à une autre situation, moins axée sur les moeurs, mais concernant tout autant l’organisation sociale. On sait que dans le monde qui est le nôtre, il y a des gens qui travaillent, et d’autres qui sont en position de profiter du travail des autres sans, eux mêmes travailler. A suivre la logique vanestienne, le fait qu’on ne puisse pas universaliser l’actionnariat (puisque plus personne ne travaillerait) devrait donc nous contraindre à conclure, avec lui, que l’actionnariat, c’est moins bien que le travail. Et si c’est moins bien, alors l’Etat ne devrait pas reconnaître de droits aux actionnaires, ne devrait pas les protéger quand ils sont en difficulté. C’est moins bien. Point.

Bien, je doute que Christian Vanneste accepte de développer son beau principe kantien (agis de telle sorte que tu puisses ériger la maxime de ton action en loi universelle ») au delà de ses propres intérêts. J’attends de le voir développer cette condamnation de l’actionnariat, et je crains de devoir attendre longtemps. Mais sans doute plaiderait il le fait que l’actionnaire a un rôle social, il finance le travail des autres, et se donne pour cela le droit d’en bénéficier par la suite. ce qui signifierait donc qu’un comportement nécessairement minoritaire peut être néanmoins vertueux. Si le principe s’applique à l’actionnariat, il doit s’appliquer aussi à toutes les minorités qui sans faire partie des petites mains ouvrières qui travaillent à ce qui est simplement nécessaire (fabriquer des choses, procréer), accompagnent néanmoins le mouvement social, tout d’abord en ne l’entravant pas, mais aussi en lui apportant tout l’esprit qu’une telle société réclame. On le sait, l’homosexuel est déchargé de tout un tas de contraintes matérielles (aller chercher les gamins à l’école, torcher, alimenter, border, bref, tout ce qui fait l’occupation des parents, qui leur bouffe leur temps (à moins, bien sûr, qu’ils ne bénéficient de cette possibilité qui consiste à refiler ce genre de boulot à des petits employés qui leur permettront de bénéficier de tout un tas de niches fiscales…) qui lui laissent le temps de faire d’autres choses : en gros, il bénéficie de ce que nos ancêtres antiques appelaient le « loisir ». Et à l’époque, il ne s’agissait pas de se poser le cul dans son clicclac, en survet’ pour se regarder Laurent Gerra en se grattant les couilles (merci Diams pour l’image, qui fonctionne), mais de pratiquer tout ce qui élève l’homme au dessus de sa simple condition matérielle. Alors, oui, l’homme, matériellement, doit se reproduire, mais on reconnaîtra qu’il partage avec tous les animaux cette caractéristique, qu’il ne peut donc pas vraiment en tirer une quelconque gloire, et que ça ne peut donc pas servir à définir une quelconque norme sociale, ni un quelconque bien moral. Sinon, les lapins devraient être considérés comme particulièrement vertueux sous prétexte qu’ils s’adonnent avec enthousiasme à la reproduction (et les pandas devraient griller en enfer pour y mettre si peu de bonne volonté).

En somme, l’argument de la nécessité de la reproduction, ça marche pas. Et ça va même au delà de ce qu’on vient de voir : quel que soit le sens dans lequel on retourne la chose, ça ne peut pas constituer un argument : à écouter Christian Vanneste, à cause de l’homosexualité, l’humanité serait en danger. Le seul danger qu’on puisse imaginer, en l’occurrence, c’est un danger démographique. En termes clairs : notre époque décadente verrait les homosexuels se multiplier, et à cause d’eux, l’humanité serait en faillite démographique. Bon, en termes de chiffres, c’est loin d’être évident : nous sommes en gros 6 milliards, ça augmente. A vrai dire, ça augmente même un peu trop : on sait que d’ici peu on atteindra le chiffre de 9 milliards, et à l’heure actuelle, on n’a aucune espèce d’idée de la manière dont on va nourrir tout ce p’tit monde (enfin, Monsanto a bien quelques idées là dessus, à vrai dire…). Autant dire que les homosexuels, quel que soit leur nombre, n’ont pas l’air de constituer un frein très efficace à une démographie qui, de toute façon, est déjà excessive. Finalement, on pourrait retourner la logique vannestienne (je dis « logique », puisque lui même présente la chose ainsi, assurant qu’il ne s’agit en aucune manière de haine passionnelle, ce qui nous rassure beaucoup : au moins, on peut discuter…) et se dire qu’après tout, les homosexuels devraient être décorés pour ne pas ajouter encore leur goutte de sperme au débordement mondial d’enfants naissants.

Evidemment, la France n’est pas exactement le pays où cette démographie est la plus éblouissante, l’Europe non plus. S’il s’agissait d’assurer le maintien des français ou des européens contre d’autres nationalités, on comprendrait mieux, mais je ne trouve pas dans l’argumentaire de Christian Vanneste de propos de ce genre, et c’est plutôt une bonne chose : cela supposerait que, philosophiquement, il valide l’idée qu’être français est en soi meilleur qu’être d’une autre nationalité, et que le monde se porterait mieux s’il y avait plus de français et moins d’étrangers. Rien de tout cela dans son argumentaire, et on s’en félicite. Il ne s’inquiète donc que de la quantité des êtres humains sur Terre, et on est heureux de pouvoir le rassurer : Christian, tout va bien, il semblerait même qu’on commence à être un poil trop nombreux, en tous cas si on veut nourrir tout le monde, tu t’es inquiété pour rien. Inutile donc de contraindre tous les homosexuels à la reproduction, ce serait un effort inutile, et finalement, même néfaste. On en serait presque à se demander si une certaine promotion de l’homosexualité ne permettrait pas de réguler de manière un peu plus efficace cette frénésie nataliste un peu excessive.

Mais, laissons les considérations démographiques concrètes de côté, et prenons les idées elles mêmes (en somme, n’ayons aucune considération pour les choses telles qu’elles sont (ce qui serait « entendable » si Monsieur Vanneste n’était que philosophe, il se trouve simplement qu’il se présente, aussi, comme politique, ce qui laisse davantage songeur…). Si on veut donner la faveur aux comportements sexuels qui sont les plus efficaces pour l’espèce, on peut le suivre sur la promotion de l’hétérosexualité. En revanche, on peut se demander si la famille doit toujours être considérée comme une forme sociale vertueuse. En effet, l’institution de la famille monogame comme nos contrées l’ont mise en place est tout simplement inefficace si on se place sur le strict terrain de la qualité de la reproduction. La monogamie implique qu’en gros tout le monde se reproduise. Tout le monde, ça veut dire toutes les femmes, et tous les hommes. Gâchis, quand on sait qu’on gagnerait beaucoup à ne faire féconder toutes les femmes que par un groupe restreint d’hommes soigneusement triés selon des règles que la nature applique d’elle même. On peut s’inspirer des pratiques de nos cousins mammifères : combats, danses, mise en évidence de notre symétrie morphologique, épreuves permettant de ne faire survivre que les plus aptes. Le tri génétique se fait du côté des mâles tandis que la bio diversité et la fécondité sont assurées par les femmes. En d’autres termes, sur la logique vanestienne, il semble bien qu’on puisse affirmer que l’eugénisme est un principe qui est supérieur au mieux que le libéralisme sexuel, et on ajoutera qu’avec la polygamie, la société serait « mieux partie » qu’avec la monogamie. Voila qui constitue déjà un joli petit programme politique, marqué par la cohérence. Le truc qui manquerait de classe, ce serait évidemment d’affirmer un petit bout de cette logique sans en dérouler toutes les conséquences.

Certes, une autre conception de l’homme est possible, dont notre pays pourrait aussi s’enorgueillir d’en être l’une des sources, mais ce n’est pas celle que Monsieur Vaneste a philosophiquement choisie. Nul doute qu’en sa qualité de philosophe, il sache que la liberté qu’il revendique ne se sépare jamais de la responsabilité dont on est soi même porteur pour les propos qu’on tient, même librement. On peut juste espérer que des esprits moins naïfs que ceux qui se sentent satisfaits à bon compte par les décisions de justice qui libèrent la parole de leur maître aient la bonne idée de lui demander de se justifier sur la teneur exacte des justifications soi-disant philosophiques de ses propos.

NB : En bonus, les videos qu’on trouve partour déjà. On remarquera que 1 – Quand Vanneste dément, il ment : il a bien affirmé que l’homosexualité était non pas, certes, un comportement sectaire, mais un apartheid (c’est censé être plus valorisant ?). 2 – Pour le capitalisme, c’est un bon principe alors même qu’il ne peut pas être universalisé (ben alors ? Où il est le bel édifice philosophique qu’on nous promettait ?) 3 – En bon prof de philo, M. Vanneste utilise Kant pour décorer (c’est donc ça, la rigueur intellectuelle ?). 4 – M. Vanneste instaure le principe de la pente glissante comme un argument reconnu en philosophie (la pente glissante, c’est l’idée que si on accepte une chose, il va falloir ensuite en accepter la version exagérée. C’est une manipulation, pas un argument, évidemment. La plupart des gens le font sans s’en apercevoir. Les profs de philo, quand ils le font, savent qu’ils le font. 5 – Il est pas mignon chez Kark Zéro, avec sa ptite cravate rose et ses petites manies quand il suréagit aux propos pourtant très complaisants de son interlocuteur ? Pour un peu… …

6 Comments

  1. Je confesse avoir du mal à me sentir blessé, voire concerné par les propos de Monsieur Vanneste. A vrai dire, je m’en tape(tte) (pardon, je n’ai pas pu résister). Je n’ai pas besoin de sa considération. Il est vrai aussi que je ne vais pas à la Gay Pride parce que je trouve ça ridicule, que s’il existe une culture gay, ce n’est pas la mienne et que si je porte les cheveux courts, ce n’est pas pour faire pédé, mais parce que je les ai toujours eus comme ça et que, franchement, moches comme ils sont, il ne manquerait plus encore qu’ils soient pénibles à entretenir !

    C’est peut-être aussi que j’ai la chance de vivre dans une société relativement tolérante où un Monsieur Vanneste se ridiculise en tenant les propos qu’il tient. Quant à sa cravate, moi je la vois rouge et franchement je n’ai pas envie d’entendre les sottises qu’il peut proférer en dialoguant avec cet histrion pénible et déconsidéré qu’est Karl Zéro !

  2. En face de mon bureau, j’ai inscrit sur le mur :
    « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature ».

    Je vais vérifier dans mon édition de La Pléiade s’ils ont opté pour la version ramassée du jkrsb ou la mienne un peu plus étendue…

  3. Dans La Pléiade, c’est la traduction de Delbos que j’ai donnée précédemment : le jkrsb devrait savoir qu’il ne faut pas me chercher sur Immanuel…

  4. Quel grand philosophe ce M. Vanneste, y’a pas à dire, il est d’une clairvoyance sans limite…

  5. Et je suis assez d’accord avec Michel, quels propos ridicules ! Là où il m’a toutefois inquiété, c’est quand il se proposait de mettre en place des mesures de dépistement des jeunes homosexuels afin de les replacer au plus tôt dans le « droit chemin » (puisque, tout le monde le sait, en vérité il n’y en a qu’un, et tout les autres ne sont que des erreurs accessoires, signes de perdition, mais fort heureusement remédiables), cependant, il oublie que ces mesures, dans notre environnement social, existent déjà, et ce dès le plus jeune âge, et qu’elles ne suffisent pourtant pas toujours à empêcher les individus de suivre leurs penchants « contre-natures » et « humanicides ».

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