Voter la peur au ventre

In "CE QUI SE PASSE", CHOSES VUES, PROPAGANDA
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Veille de second tour, Axel Poniatowski m’écrit pour que demain, je fasse preuve d’un comportement électoral conforme à ses intérêts.

Il faut dire qu’étant donné ce que lui aura coûté sa campagne, ce serait bête de ne pas se battre jusqu’au bout pour grappiller des voix : 10 000 € de dommages et intérêts pour diffamation contre, non pas, Ali Soumaré (ça, ce n’est pas jugé), mais Michelle Sabban, voila une somme dont on peut se demander si elle doit apparaître dans les lignes de dépenses de campagne de l’UMP.

Le tract, sur le modèle des arguments choisis au niveau national, m’informe que j’ai le choix, en ce jour d’élection, entre le conservatisme de gauche, et le réformisme de droite. Mais on a du deviner, en haut lieu, que le jeu sur les mots et les définitions ne suffirait pas, et que rien, à vrai dire, ne suffirait pour cette échéance électorale. Le tract recourt donc à une autre incitation pour que je porte mon choix sur Madame Pécresse : si je ne l’élis pas, je ne serai pas en sécurité : « La première des libertés, en particulier dans le val d’oise, c’est la sécurité : on ne peut pas vivre sereinement dans un département où nous avons peur pour la sécurité de nos enfants aux abords des lycées, où nous avons peur pour nous-mêmes lorsque nous prenons les transports en commun. »

Intéressant, pour un scrutin censé être local, et dont on nous aura suffisamment répété qu’il ne pouvait pas avoir de conséquences nationales. Car la sécurité, à de multiples titres, est une affaire davantage nationale que régionale. Quand on supprime la police de proximité, par exemple, c’est l’Etat qui en prend la décision. Quand on supprime des postes de gendarmes et policiers, quand on désorganise la justice, c’est l’Etat qui en a la responsabilité. Et bien sûr, lorsqu’on génère une pauvreté croissante, dans un environnement où n’est valorisé que le pouvoir d’achat, on suscite une violence potentielle qui ne peut, à terme, que provoquer une insécurité croissante, tant réelle que ressentie.

Ainsi, on nous le dit tranquillement dans un tract de dernière minute : si on ne vote pas de manière arrangeante pour ceux qui ont déjà le pouvoir, l’Etat nous punira en nous maintenant dans une insécurité croissante, trouvant là une économie substantielle, et nous convaincant que c’est là la faute des régions. Accessoirement, cela fournira du grain à moudre à la droite lors des prochaines élections présidentielles. Du point de vue de l’application de telles sanctions, une écrasante majorité de régions à gauche permettra toutes les fantaisies nationales, dégradant sans en avoir l’air les budgets locaux, avec d’autant moins de scrupules que les conséquences en retomberont sur d’autres. Pourquoi, dès lors, se priver ?

J’ai peut être l’esprit mal tourné, mais le processus me semble tout à fait d’ordre mafieux : quand le pouvoir se rend compte qu’il ne peut pas s’établir de manière légitime, il a recours à des incitations non républicaines, qui consistent à menacer le peuple de sanctions violentes en cas de désobéissance. Cela participe de cette communication qui affirme simultanément que le peuple se détourne des élections parce qu’il n’a plus confiance en la gauche, et que le vote n’aura aucune conséquence sur la politique menée, puisque celle-ci est décidée une fois pour toute, par la droite, et ne peut pas être remise en question (même le bouclier fiscal, SURTOUT le bouclier fiscal !). En d’autres termes, on a pris le pouvoir, et il est hors de question, maintenant, qu’il nous échappe, puisque c’est la condition nécessaire pour que nos amis, qui y ont intérêt, y gagnent ce qu’il y a à y gagner en matière de précarisation du plus grand nombre et de consolidation des acquis des happy fews qui viennent becqueter dans la main du pouvoir.

Et comme le second tour des régionales n’aura été, finalement, qu’une mise en place des éléments de la prochaine campagne présidentielle, nous voila prévenus sur la haute tenue des débats qui l’animeront. Il faut donc se préparer à atteindre des sommets en matière de subtilité politique. Et on devine déjà comment on va nous convaincre de la nécessité de combattre l’insécurité, tout simplement, en l’organisant.

NB : Désolé pour le côté un peu « froissé » du document, mais il est passé par la case poubelle avant de se retrouver dans le scanner. Un réflexe !

2 Comments

  1. Faut il voir dans ce tract froissé un geste d’énervement bien compréhensible ou la mauvaise habitude de ne pas recycler le papier ? Le papier froissé se travaille mal et surtout il pose beaucoup de problèmes pour le transport, etc.

    Ce n’est pas parce que les verts sont une espèce particulièrement nuisible, à l’exemple des pires sarkozystes, qu’on doit négliger des gestes aussi élémentaires pour le bien de tous.

    A moins que ce ne soit fait volontairement pour ennuyer l’histrion Cohn-Bendit auquel cas je retire tout ce que j’ai écrit.

  2. Juste encore un mot sur le tract lui-même. C’est quand même réconfortant de voir mise en accusation la « coalition socialo-communiste ». Quand on voit que le niveau cumulé du Front de gauche, du npa et de LO au premier tour atteint à peine les 10 % en Ile de France, on se dit que l’image de ces bolcheviks assoiffés de sang au couteau entre les dents doit être encore bien vivace dans l’esprit malade de Monsieur Poniatowski pour qu’il leur accorde une telle importance. C’est gratifiant et ça donne envie de continuer à faire (et incarner) le mal…

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