« Il n’y a pas de plan B »

In AUDIO, PLATINES, POP MUSIC, PROPAGANDA
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Sur la point des pieds, Plan B quitte les kiosques tandis que dans la plus grande tonitruance, Plan B débarque sur les ondes, et on doute que celui-ci console les amateurs de celui-là. Côté papier, on ne saura pas trop sur quoi se rabattre. Backchich n’est pas si mal mais n’occupe pas exactement le même créneau, tout en ne négligeant pas de taper, y compris là où ça fait mal. Il faudra s’en contenter. Quant à ce She said qui inonde littéralement nos ondes, le message est clair : on va en bouffer tout autant qu’on aura ingurgité, l’année dernière, du Charlie Winston. On imagine la démarche tout aussi sincère : Plan B, c’est un peu comme si subitement on apprenait qu’Eminem avait fait partie des Petits chanteurs à la croix de bois, et écrivait la B.O. des Choristes 2. Le type chante à la perfection (à un point tel que les prestations live donnent justement la forte impression de ne pas être en live), tout ceci est très bien fait et on sent que ça ratisse carrément le plus large possible (je ne peux pas écouter ces titres sans penser à ce fantastique rateau géant dont nous sommes les heureux propriétaires, et qui nous sert à ramasser les feuilles mortes à l’automne; Plan B c’est un peu la musique qui ratisse les oreilles mortes à l’automne de la vie, le André Rieu de la Street Music), on se demande évidemment comment le gars parvient à avoir non pas une voix pareille, mais deux voix aussi différentes l’une de l’autre, mais ce qu’on imagine sans peine, ce sont les réunions d’état major à la maison de disques pour définir le plan produit.

Alors, cette année, on nous fait le coup du gars qui a le physique de l’emploi qu’on lui a donné; Bad boy tel que l’Angleterre sait les fabriquer, un peu crétin sur les bords, mais c’est pas grave, ça donne une popu credibility, le bon sens près d’chez vous, profil « petite frappe locale déguisée en Pim’s, croquant à l’extérieur, tout fondant à l’intérieur, même peut être un poil trop fondant ».

On nous avait fait revivre le personnage du roots convivial avec Charlie Winston l’année dernière, et le chapeau déchiré faisait déjà un peu trop panoplie pour être honnête : on aurait cru que Charlot avait fait une brusque cure de botox et qu’il était revenu parmi les hommes, transfiguré, touché par le dieu du groove, pour disséminer gratos la bonne parole sur Terre, aux rennes de sa cariole tirée par deux percherons. Finalement, Charlie continue son bonhomme de chemin et aura au moins réussi à mettre en lumière que la spontanéité à la Christophe Maé n’est qu’une part de marché comme une autr : aujourd’hui, le même Charlie fait la promotion de la nouvelle Audi A1, une sorte d’ersatz de la Mini, mais pour ceux qui ont envie d’acheter la même voiture que tous ceux qui ne voudront pas acheter la même voiture coûteuse que tout le monde. On le voyait en roulotte, on le découvre au volant d’une de ces petites merdes sur roue qui polluent les centre ville de leur arrogance, semblant diffuser, aussi discrètement que peut le faire le cirque Zavatta débarquant en ville et annonçant que les lions et les girafes seront visibles, pour les enfants, à partir de 16 heures, un message on ne peut plus clair à la populace qui ose encore fouler de ses pieds trop mal chaussés les trottoirs des beaux quartiers « Oui, cette voiture est une petite voiture, mais elle est néanmoins tout à fait hors de prix, hors du prix que vous y mettriez vous mêmes, non pas que vous ne le vouliez pas, mais tout simplement parce que vous faites partie de ces gens qui veulent en avoir pour leur argent, alors que moi, regardez, j’ai claqué ce que vous ne paieriez même pas pour une grande routière dans un truc de 2,50 de long, sans coffre, mais avec de splendides arches de toit en aluminium (pour faire léger, sans doute, et donc économiser de l’essence, mais hey, tu sais ce que ça coûte en énergie, la production de l’aluminium ?), des leds qui n’éclairent rien, mais aiguillent le regard des badauds vers ta petite personne, le coude à la portière, les lunettes du duo de motards de Chips sur le nez, attentif à être indifférent, au delà des regards envieux, détaché, loin de tout ça, au-delà de tout affichage. Méprisant en somme. Tout de suite, quand Charlie Winston sort de son Audi A1, l’autoradio calé sur son Like a Hobbo qui fait du coup carrément un peu « pute » dans un tel environnement de démonstration de pouvoir d’achat, il a l’air un poil moins convivial, et c’est un peu comme quand dans L’Arnaqueur, le joueur amateur se révèle être surtout bon comédien. Comme disait Dubuffet, en matière artistique comme en jeu de cartes et en amour, les professionnels sont tous des traitres.

Plan B papier faisait volontiers ce boulot de repérage des arnaqueurs. Il faut croire qu’à force, on a dû être peu à peu formés : quand on écoute The Defamation Of Strickland Bank, le nouvel album de Plan B, on flaire tout de suite que ce qu’on écoute, c’est avant tout un plan com’.

2 Comments

  1. Ah !
    J’ai quelques volumes de cette collection disséminés dans ma bibliothèque, et je feuillète actuellement l’hémisphère gauche, qui reconstitue une cartographie un peu brouillée par la période de désespoir que nous traversons.
    C’est en tous cas une mine dont les filons valent d’être explorés.

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