Nightshift

In 25 FPS, AUDIO, POP MUSIC, PROTEIFORM, Scopitones, SCREENS, SOUNDSCAPES
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Seule la musique parvient à me donner l’impression que les heures passées à corriger des copies ne sont pas tout simplement perdues. Lorsque je travaillais en tri postal, à accrocher des sacs de colis aux rails qui les distribuais automatiquement, j’avais compris que mon seul compagnon serait mon walkman (oui, c’est au 20è siècle que je me musclais dans cet emploi, alors que le MP3 n’existait pas (je crois que c’est même à une époque où on n’avait encore aucune idée de la future existence d’Internet, pauvres choses que nous étions)). Alors j’en écoute au kilomètre, et c’est plutôt un bon exercice car, concentrée sur autre chose, la conscience n’émerge vraiment que lorsque le flot sonore se concentre en une forme repérable, dans ces moments où soudainement l’oeil quitte le texte à lire, le stylo rouge (pure image : je corrige en noir) s’immobilise et la musique prend le pas sur tout le reste, interdisant de se consacrer à autre chose qu’au laisser aller; avec un peu de chances, elle m’enlèvera pour de bon de mon bureau.

Je pourrais presque faire un article par jour des découvertes effectuées dans ces longues traversées effectuées à toutes heures du jour et de la nuit, accompagné des constructions sonores que d’autres ont produites sans savoir qu’elles seraient pour quelques travailleurs de bureau quelque chose qui se situe entre le ronronnement du V8 dans une grosse cylindrée filant à vitesse de croisière sur quelque nationale transversale transcontinentale, et la dose de caféine nécessaire pour contraindre les neurones à ne pas lâcher la chaine de correction.

Aujourd’hui, c’est un album que j’ai en stock depuis un bon moment, mais que je n’avais pas encore soumis au media player, ni à mes oreilles. Si on reconnaît la valeur de la musique au fait qu’elle réduit à néant la valeur de ce qui environne son auditeur, alors Jamie Woon doit être placé parmi les musiciens qui ont quelque valeur. Sans être révolutionnaires, et même, au contraire, alors que les titres qu’il signe sur son album Mirrorwriting ont une certaine tendance à rappeler quelque chose (on ne saurait dire quoi, mais c’est bourré d’éléments qui semblent provenir des titres pop un peu dépressifs des années 80, sans constituer une copie ni même singer les leitmotivs ou les sons de l’époque). Un léger lyrisme soul dans la voix, des ambiances sonores citadines, nocturnes, des harmonies vocales qui font penser aux quelques moments un peu sensibles qu’a pu, en son temps, provoquer un Lionel Ritchie, une production qui joue avec les attendus, les déjoue souvent sans les frustrer, une légère réverbération qui laisserait volontiers croire que ces sonorités sont comme l’écho ou la remémoration d’écoutes anciennes, et oubliées. Ca surfe avec les motifs de satisfaction sans se vautrer dans la complaisance. En somme, ça a des vertus rares, et ça sonne tout compte fait assez inactuel. Mine de rien, ça ressemble à un album qu’on pourrait ressortir dans des années pour l’écouter comme on le fait aujourd’hui.

Et pour couronner le tout, le clip qui accompagne l’un des plus beaux titres de l’album (Nightair) est juste joli comme il faut.

4 Comments

  1. Pour les plus intéressés des lecteurs de ce site, et aussi pour les plus courageux et surtout pour les plus insomniaques, je suggère la lecture des 150 pages (avec certes de nombreux tableaux qui ne facilitent guère l’accès pour le non spécialiste !) de l’étude Nocca (Nordic occupational cancer) qu’ils peuvent trouver ici :

    http://informahealthcare.com/doi/pdf/10.1080/02841860902913546

    Ils y apprendront entre autres joyeusetés que le cancer du sein, certes rare chez l’homme, est beaucoup plus fréquent chez les travailleurs soumis à des horaires décalés (nightshift). Une méta-analyse précédente menée par le Centre international de recherche sur le cancer (une succursale de l’Organisation mondiale de la ssanté – OMS) chez des populations féminines travaillant de nuit (infirmières) ou soumises à de fréquents changements circadiens (personnels navigants de l’aviation civile) avait montré le même excès pour la même pathologie.

    Le préventeur que je suis vous souhaite une bonne nuit ! Au lit tout le monde !

  2. Pour celles et ceux que la lecture de ces 150 pages pourrait rebuter (on se demande bien pourquoi !), je recopie ci-dessous un bref excès du résumé de l’article :

    « In male breast cancer (2 336 cases), which is not affected by the dominating reproductive factors, there was a suggestion of an increase in risk in occupations characterised by shift work. Night-shift work was recently classified as probably carcinogenic, with human evidence based on breast cancer research. »

    Mais j’encourage vivement tout-e un-e chacun-e à lire l’article en entier pour découvrir que les femmes employées dans l’industrie chimique ont des excès de cancers du vagin, ou que le risque le plus élevé d’avoir un cancer (toutes localisations considérées) se retrouve chez les employés des brasseries, des fabriques de tabac, les marins et les ramoneurs.

  3. Il s’agit bien sûr d’un extrait du résumé et non pas d’un excès. Il y a des soirées où la lecture trop prolongée et trop poussée des SIR (Standardized incidence ratio) me conduit à des dérives langagières.

  4. Je ne me sens que partiellement concerné : c’est pas que je travaille en horaires décalés, c’est plutôt que je ne dors que 4h/nuit; j’ai cru comprendre que je ne passerai pas les 70 ans. Le mot « retraite » est dès lors un équivalent du mot « au-delà » pour moi !

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