The Winner takes it all

In "CE QUI SE PASSE", PROPAGANDA
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Même en l’ayant vu venir, même en constatant après coup qu’après tout, on n’a un peu que ce qu’on mérite et qu’on en est au point où le mot « gauche » n’a à ce point plus de sens pour une majeure partie des français qu’ils ne discernent plus, sur ce versant de la politique censé être précisément celui qui pourrait les unir, un projet qui puisse les fédérer, constituer une cause commune, une vie à vivre ensemble ; même en l’ayant sentie arriver, la soirée, et le lendemain de soirée, et la soirée du lendemain, et le surlendemain, et décidément les jours qui suivent aussi demeurent, forcément, amers. Mais avec le recul de quelques nuits, et après avoir ajouté à l’aigreur de la première soirée les déclarations rances des journées qui ont suivi, deux premiers problèmes ont peu à peu émergé des eaux glauques de la vie politique française.

L’un, celui de la gauche, qui n’existe que sous la forme d’autant de lambeaux qu’il y a de prises de paroles en son nom (on n’entend que ça, des gens qui parlent au nom de la gauche, un peu), de statuts rédigés censés la définir, la délimiter, qui la découpent au scalpel, selon les pointillés, la séparent le plus nettement possible de ce qu’elle n’est pas, histoire d’être bien bien certain qu’il ne reste que ce qu’elle est, un reste qui ne coïncide pourtant jamais tout à fait avec le découpage opéré par un autre et justifiera qu’on ne se mette, surtout, jamais d’accord. Alors qu’on pourrait au moins le faire sur LA question qui vaut la peine d’être posée :la putain de répartition de la richesse, bordel. Cette gauche qu’on tente donc d’une main de délimiter, tandis que d’autres mains font tout leur possible, elles, pour la noyer comme on le ferait d’un poisson, qu’on essaie de mélanger à tous les ingrédients avec lesquels elle est incompatible, soit parce qu’il s’agit de courants politiques qui aiment bien avoir la bonne conscience de gauche, et brasser un passé révolu depuis tellement longtemps qu’il ne parle plus qu’à ceux qui le ruminent comme d’autres mâchent un vieux chewing-gum qui n’a, depuis belle lurette, plus aucun goût, qui n’est plus que texture caoutchouteuse occupant les dents et la langue, une tétine pour enfants d’autrefois qui n’ont pas vu le temps passé et se retrouvent, soudain, avec un énorme jetlag qui leur barre le crâne, soit parce que certains aiment bien l’ambiance conviviale des buvettes d’après manif, apprécient l’univers de la gauche, un peu bonne franquette, un peu au-dessus de la mêlée, un peu sur-humanité qui saurait où elles se trouvent, les vraies valeurs, mais n’ont qu’une crainte : que la gauche soit réellement au pouvoir, au point que même Mélenchon, dont le programme n’a vraiment, mais vraiment rien qui puisse faire trembler l’aimable bourgeois, les fasse flipper pour peu que son ombre s’approche un tant soit peu du second tour. Autant de détournements d’attention qui ont pour effet qu’on ne parle pas de l’essentiel, la richesse, sa répartition, sa production, et donc le travail aussi, nécessairement, ou plutôt l’emploi, puisque c’est là le nerf de cette guerre. Le seul sujet qui concerne absolument tout le monde, celui qui pourrait unir, celui qui permettait un combat commun et une victoire commune.

Celui qu’il s’agit, donc, de ne surtout pas mettre sur la table.

L’autre problème, c’est évidemment celui que pose la macronie, qui ne se place même plus sur l’horizon politique parce qu’elle est là, au beau milieu du paysage, vociférant : « L’Horizon, c’est moi ! » Ce courant politique hégémonique a tout intérêt à ce que rien d’autre que lui n’existe précisément parce que cette question centrale qui devrait être celle de la gauche, ne doit surtout pas être posée. L’intention d’Emmanuel Macron, de débaptiser Pôle Emploi pour le renommer France Travail est sur ce point symptomatique, et il faudra y revenir un jour. Il ne doit pas y avoir d’autre monde possible que celui au sein duquel les uns vivent, démesurément bien, en profitant du travail des autres et de l’accaparement des ressources dont ces autres ont besoin pour vivre, histoire de les leurs revendre, au prix fort. On voit d’ailleurs très bien que si cette tendance politique s’accommode de laisser au peuple un certain pouvoir d’achat, c’est qu’en réalité, il ne s’agit pas tant d’un pouvoir d’acquérir, que d’une mécanique incitant fortement à la dépense. Tout, absolument tout, doit être plié à ce principe, qui permet aux uns, de profiter des autres pour s’enrichir.

Et il suffit d’échanger un instant avec des lycéens pour comprendre à quel point ce qui constitue bel et bien un modèle de vie est, vraiment, si parfaitement intégré qu’on peut se demander quel miracle fait que Mélenchon puisse engranger autant de votes chez les plus jeunes des électeurs. On comprend mieux en tout cas, en écoutant parler Macron et ceux qui le soutiennent, pourquoi les plus jeunes sont convaincus que la télé-réalité est une image fidèle de la vie réelle : une lutte sans fin pour mettre les qualités des autres à profit le temps qu’on a besoin d’eux en ne les laissant jamais devenir un tant soit peu concurrentiels. Les premiers de cordée, un couteau dans la poche pour couper la ligne, si besoin. Le mérite. Tout ça.

Le traitement qu’inflige La République en marche aux autres partis, est exactement le même que celui qu’imposent les vainqueurs de Koh-Lanta à leurs adversaires. Et cette stratégie est l’image de la vie sociale telle que la rêvent ceux qui fantasment sur les idéaux et les soi-disant valeurs d’Emmanuel Macron.

Nous voici donc, une nouvelle fois, devant ce choix qui, pour de multiples raisons, n’en est pas un : Macron ? Ou Le Pen ? Deux choix devenus impossibles d’un point de vue républicain. Choix qui n’en est pas tout à fait un, surtout, parce que ceux qui prétendent avoir autorité sur le vote des français, décrètent qu’il FAUT voter pour Macron, quoi qu’on en pense, quoi qu’il propose, pour la simple raison qu’il n’est pas Le Pen. Parce que Macron a, tout simplement, le totem d’invincibilité. Donc, voila.

Un exemple ? Bon, vous allez me demander pourquoi je lis ce genre de chose, mais lundi matin, Jacques Attali partageait cette pensée nécessairement profonde, puisqu’elle est de lui :

En avant les grands mots et les condamnations définitives. Ce n’est pas qu’on soit surpris sur le fond : Attali a toujours manifestement méprisé le peuple. Il n’est pas étonnant qu’il puisse haïr au plus haut point l’un des candidats si celui-ci n’appartient pas au cercle de ceux qui gouverneraient pour le bénéfice de sa clientèle habituelle, ceux qu’il conseille, ceux qu’il oriente. L’extrême-droitisme de Le Pen n’est qu’un prétexte. C’est même l’occasion ou jamais de faire ce qui, sinon, serait impossible : décréter par avance le résultat de l’élection. Cabinet de consulting à lui tout seul, Attali fait partie de ceux qui pensent que leurs avis sont autorisés ; ce qui sous-entend forcément que ceux des autres le sont moins, ou ne le sont carrément pas du tout. Qu’il ait dès lors un rapport distant à la démocratie n’est pas très surprenant. Le peuple lui convient tant qu’il se comporte conformément à ses intérêts. Mais si ça ne va pas dans son sens, ça le fout en rogne. Alors, puisqu’on ne peut pas encore se débarrasser de l’élection en elle-même, son rêve c’est d’organiser l’élection de façon à ce qu’elle n’en soit pas une : pour cela, il suffit de tout mettre en oeuvre pour qu’au second tour le candidat choisi par avance soit confronté à un adversaire dont on aura décidé, tout autant à l’avance, qu’il n’est pas une option.

Il y a des élections sur lesquelles on a des doutes, en Russie, pour à peu près ce genre de raisons. Mais, évidemment, comme là-bas ce n’est que la Russie, et qu’ici c’est tout de même – pardon du peu – la France, ça n’a évidemment rien à voir.

Problème : une démocratie est définie par l’aptitude du peuple à être souverain. Autant dire dès lors que le concept s’accommode mal des chaperons s’introduisant dans l’isoloir pour vérifier qu’on s’y comporte dignement. Tout comme ça n’est pas très compatible avec les donneurs de leçons qui entendent qu’on leur obéisse au doigt et à l’oeil. On sent bien que ça le démange, Attali, de solder la démocratie, de décréter que lui et son entourage savent mieux que le clampin moyen qui est susceptible de bien diriger le pays afin qu’il brille dans le concert des nations, que la France retrouve son rang (ce qui suppose qu’elle en ait qui lui revienne de droit, ou par nature ou, pour synthétiser, de droit naturel). C’est juste qu’il n’ose pas. Pas encore.

Ainsi, donc, Macron passe cinq années à faire méticuleusement en sorte que son adversaire au second tour soit Marine Le Pen, et une fois cette situation obtenue, il nous rappelle, via son régiment de porte-flingues, qu’il est absolument hors de question de voter pour elle. Parce qu’il a titre à gouverner, et pas elle. Mais selon les mêmes porte-parole et soutiens, Mélenchon n’avait pas titre à gouverner non plus jusqu’à aujourd’hui. Il était incompatible avec la République, séditieux. Et pourtant, dès lundi, Richard Ferrand se découvrait avec La France Insoumise des « valeurs communes ».

Ah oui ? Et lesquelles par exemple ? L’islamo-gauchisme dont la République en Marche a, en permanence, accusé LFI ? En fait, c’est vraiment ça, En Marche : l’art et la manière de tout préempter. Mélenchon, en troisième homme de l’élection, pourrait être l’arbitre du second tour mais non ! Macron veut jouer les arbitres lui-même. C’est lui qui décrète qui est fréquentable, et qui est banni. Et Richard Ferrand peut dès lors se permettre de dire tout haut ce que Mélenchon serait censé, dans les rêves de toute puissance de Macron, penser tout bas sans pouvoir se permettre de le dire. LFI était un ramassis de pestiférés mais, soudain, on peut les approcher, et même tenter de les séduire en caressant leurs idées, hier fétides, dans le sens du poil, tout en gardant, « en même temps », les mains propres.

Le problème, dans l’attitude de la macronie, c’est que la démocratie est précisément ce régime dans lequel personne, absolument personne, n’a de titre particulier à gouverner. C’est la définition donnée par Rancière dans sa Haine de la Démocratie, alors qu’il revient sur la critique platonicienne de la démocratie :

Tel est le fond du problème. Il y a un ordre naturel des choses selon lequel les hommes assemblés sont gouvernés par ceux qui possèdent les titres à les gouverner. L’histoire a connu deux grands titres à gouverner les hommes : l’un qui tient à la filiation humaine ou divine, soit la supériorité dans la naissance ; l’autre qui tient à l’organisation des activités productrices et reproductrices de la société, soit le pouvoir de la richesse. Les sociétés sont habituellement gouvernées par une combinaison de ces deux puissances auxquelles force et science portent, en des proportions diverses, leur renfort. Mais si les anciens doivent gouverner non seulement les ignorants mais les riches et les pauvres, s’ils doivent se faire obéir des détenteurs de la force et comprendre des ignorants, il y a quelque chose de plus, un titre supplémentaire, commun à ceux qui possèdent tous ces titres mais aussi commun à ceux qui les possèdent et à ceux qui ne les possèdent pas. Or le seul qui reste, c’est le titre anarchique, le titre propre à ceux qui  n’ont pas plus de titre à gouverner qu’à être gouvernés.

C’est cela d’abord que démocratie veut dire. La démocratie n’est ni un type de constitution, ni une forme de société. Le pouvoir du peuple n’est pas celui de la population réunie, de sa majorité ou des classes laborieuses. Il est simplement le pouvoir propre à ceux qui n’ont pas plus de titre à gouverner qu’à être gouvernés.

Attali, mais aussi tous les soutiens du candidat Macron qui reprochent à Mélenchon de ne pas appeler à voter pour leur poulain, fulminant de savoir qu’un tiers des électeurs LFI pourraient, carrément, donner leur suffrage à Le Pen, tout ce petit monde là mange la démocratie par les deux bouts : telle candidate n’aurait pas de titre à gouverner. Et tels électeurs n’auraient pas vocation à s’exprimer. Autant dire que, dès lors, il ne reste plus grand chose de démocratique dans ce second tour, dans la mesure où, semble-t-il, il ne propose aux électeurs qu’un seul candidat, et il exclut par avance ceux qui ne votent pas correctement.

Parmi les auteurs de ces injonctions, aussi surprenant que ça puisse paraître, on trouve bon nombre d’animateurs de réseaux sociaux qui, tout en se situant théoriquement à gauche, jugent soudain absolument nécessaire de « faire barrage » au rassemblement national alors qu’au premier tour, ils n’ont pas voté pour le seul candidat qui pouvait placer Marine Le Pen en troisième position, et éviter ainsi toute forme de risque de la voir gagner le second. Le pire, c’est qu’on aimerait sincèrement ne pas comprendre cette logique, et pouvoir supposer qu’il ne s’agisse là que d’un égarement ponctuel. Mais en réalité, la logique, on la cerne malheureusement un peu : quand on est une vedette des réseaux sociaux, quand on a l’impression d’exercer une influence sur le cercle pas si étroit que ça de ses auditeurs, il est difficile de prendre des positions qui soient, tout simplement, communes avec la majorité, parce que dès lors on n’a plus grand chose de très étonnant à dire, on se fait moins remarquer, et on a moins d’audience. Et certains aiment manifestement se rêver héros d’une révolution qui n’aura pas lieu : ils y ont forcément le beau rôle. Il fallait donc, au premier tour, n’en faire qu’à sa tête et, surtout, le crier bien fort en trouvant mille raisons de ne surtout pas voter pour Mélenchon. Et si on additionne tous ceux qui adorent ça, trouver des raisons de ne pas voter pour celui ou celle qui pouvait nous éviter le duel Macron / Le Pen, entre ceux qui ne veulent rentrer dans aucun rang (et dont on peut se demander, dès lors, quelle est leur aptitude à se plier un minimum aux exigences démocratiques), et ceux qui aiment afficher un positionnement à gauche mais n’ont qu’une crainte, c’est que la gauche soit réellement au pouvoir (ceux que le PS rassurait, en somme, énormément), on obtient la poignée de centaine de milliers de voix qui auront manqué1.

Mais du coup, le message consistant à dire « moi, je n’en fais qu’à ma tête au premier tour, et je prends le risque de mettre Marine Le Pen en position de gagner la présidentielle, puis une fois qu’elle y est, j’accuse la Terre entière de nous avoir mis dans cette situation, et j’ordonne au monde, du haut de mon piédestal numérique, de se comporter politiquement selon une vertu que je méprisais quelques jours auparavant, considérant que le risque que, le dimanche, je voulais prendre, devient inenvisageable le lundi matin », peut sembler un tout petit peu égocentrique et capricieux. Il a une forte allure, en tout cas, de propos d’individualiste repenti qui surjoue la responsabilité après avoir fait, tout simplement, n’importe quoi.

Du coup, entre ceux qui ont un intérêt immédiat à voir Macron élu parce que ce sont des marchés qui s’ouvrent à eux, dans lesquels ils pourront goûter les plaisirs juteux des retours sur investissement mais préfèrent présenter le vote Macron comme un courage qu’on aurait devant l’Extrême Droite, une « résistance » face à un ennemi qu’on aura, quand même, bien contribué à faire grandir, et ceux qui, parce qu’ils se sont attribué eux-mêmes des galons d’anciens combattants glanés sur quelques barricades et manifestations musclées ces cinq dernières années, et se servent de cette tribune pour tenir des discours enflammés qui posent bien, là, leur personnage perpétuellement ulcéré, assoiffé de reconnaissance, trouvant toujours qu’on n’a pas la paupière inférieure suffisamment humide quand on les admire se sacrifiant ainsi pour ce qu’ils aiment appeler le peuple, peuple qu’ils méprisent en réalité quand il ne se comporte pas, exactement, conformément à leurs dictats, entre ces deux pôles du narcissisme économique et politique donc, il reste peu de chose de la démocratie, parce qu’il reste peu de chose du respect que le peuple peut avoir envers lui-même.

Ce respect, il manque aussi quand on choisit, sciemment, de mettre les citoyens dans cette impasse. Ce qu’on aura fait d’au moins deux façons.

Tout d’abord en affirmant un peu péremptoirement qu’il n’y a plus d’opposition. La preuve ? Des recrues de la droite comme de la gauche dites « gouvernementales » ont rejoint les rangs des Marcheurs, pour se joindre à un projet qui s’affirme d’autant plus comme n’étant ni de gauche, ni de droite qu’il n’assume pas, en fait, d’être résolument de droite. La preuve aussi, ce courant politique ne cesse de dire des choses et leur contraire, assumant pleinement d’aller dans un sens, tout en allant « en même temps » dans l’autre. Du moins est-ce le discours prononcé, parce qu’en réalité, ce qui est mis en oeuvre, c’est bel et bien une libéralisation galopante qui cherche, sans cesse, de nouvelles ressources à exploiter, de nouvelles perspectives pour percer le consommateur qui, tel un tonneau de Danaïdes fuyant de partout, cherche en vain à constituer des réserves qui sont dans le même temps aspirées par ceux-là même qui font mine de le renflouer.

L’autre façon consiste à imposer l’extrême droite comme seule opposition. Et donc à ne surtout pas respecter la promesse faite de lui faire barrage, pour mieux demander aux autres, le jour où le danger est plus pressant encore, de venir s’opposer à la bête immonde, pour mieux voir en ce beau geste un signe d’allégeance. En réalité, il en va du RN et de son double maléfique (doublement maléfique, du coup), Reconquête, comme de la Bête du Gévaudan : on peut douter du caractère naturel et sauvage de la chose. Domestiqué, cet animal politique est le pitbull tenu en laisse par tout parti « de gouvernement » ayant besoin d’être certain de demeurer durablement au pouvoir. Tous les cinq ans, on lui lâche la bride et on le pousse à aboyer, histoire de rappeler sa vraie nature, qu’on aura pourtant estompée tout au long du mandat, pour la conserver, latente, comme une braise sous la cendre, presque simplement chaleureuse, sur laquelle on pourra souffler le jour J, pour rallumer l’incendie. Une bombe atomique, qu’on met entre les mains du peuple tous les cinq ans pour qu’il se dissuade lui-même de s’en servir. Sinon, il serait tout à fait irresponsable.

Pourtant, ce projet qu’on considère comme impensable, on ne cesse de proposer de le penser. On l’a même dédoublé, histoire de lui ouvrir un champ plus large à ratisser. C’est autant d’audience, ce sont autant de voix que d’autres n’auront pas, et n’ont pas eues. Et de fait, si on observe les opposants originels à la République en Marche, ils ont bel et bien disparu. Ecrasés, le PS et LR, remplacés par les préoccupations anthroponymiques de Zemmour, les délires de grand remplacement, le désir de contraindre les autres à respecter des règles vestimentaires qui ne mangent pas de pain, à ceux qui les décident ou les approuvent, puisqu’elles ne les concernent pas. Tous ces sujets qu’on a opportunément laissé tourner en boucle dans tous les médias, pendant des semaines, histoire de la faire monter, la sauce. On a déploré que le candidat En Marche n’ait pas fait campagne. En réalité, il n’a pas eu besoin de le faire : les espaces politiques et médiatiques l’ont fait pour lui. On se souvient de la façon dont les Guignols de l’info mettaient en scène Jean-Marie Le Pen qui se tenait, tel un des deux vieux du Muppets’ Show, en simple observateur de la glissade générale du paysage politique vers la droite ; alors qu’on demandait à ce personnage quelle était sa stratégie de campagne, il se contentait de répondre « J’attends ». Emmanuel Macron a au moins appris ça, de ce camp qu’il affirme combattre : une fois allumé le brasero, on peut se contenter d’attendre tranquillement le moment de tirer les marrons du feu.

Pour Macron, il n’est plus nécessaire de marcher : désormais, ce sont les choses qui viennent à lui.


1 – On n’oublie pas, cependant, que les voix qui auront manqué au premier tour, et qui auraient manqué au second, ce sont toutes celles qui ont filé vers l’extrême droite, qui a compris, elle, que ceux que la gauche appelle « prolos », ce sont les mêmes que cette même gauche appelle les « beaufs », qu’elle méprise trop pour s’adresser à eux, eux qui aiment tout un tas de choses qu’à gauche on n’aime pas.

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