Odeur de sainteté

In "CE QUI SE PASSE", MIND STORM
Scroll this

Nous voila donc sauvés

Nous avons de nouveau confiance en nos banques, nos banques ont de nouveau confiance en nous, l’Europe existe (comme ça, il sera bien entendu, une fois pour toutes que ce qui n’existe pas économiquement n’existe pas du tout), les Etats Unis n’attendent plus qu’une chose, c’est que notr’omniprésident les invite à rejoindre notre communauté chaleureuse dans laquelle on n’hésite plus à se prêter de l’argent entre banques (oui, on se prête de l’argent entre banques (OUI !! On se prête de l’argent entre banques !!!)), tous les gens qui travaillent dans les banques auront peut être même la chance d’être pendant quelques mois sous la gouvernance de l’Etat (qu’on se surprend à vénérer de nouveau, comme on bon vieux temps du euh… du… (mon dieu, nous ne souvenons même plus que l’Etat fut un jour vénéré !!))) sans pour autant faire partie de ce groupe sur lequel ils auront jusque là tant bavé : les fonctionnaires.

Pourtant, ça aurait été une belle leçon à donner à tout ce ptit monde qui vivait jusque là dans l’autopersuasion de ceux qui ont leur conscience de « travailleurs » pour eux. Tout occupés par leur appât du gain, on avait voulu faire croire aux autres que si le pays tournait, c’était grâce à ces golden boys qu’on présentait comme des soldats combattant pour la nation toute entière, et eux mêmes s’étaient mis à y croire, donnant des leçons de civisme économique à tout le monde, et en priorité aux fonctionnaires, improductifs parmi les improductifs, coûteux parmi les coûteux. Maintenant que tout ce ptit monde va vivre aux crochets de l’Etat, comme les fonctionnaires mais en plus onéreux, comme des fonctionnaires de luxe en somme, on peut voir la relation que nous entretenons avec eux sous une lumière plus crue. Il est probable qu’il y ait, dans ces open spaces, pas mal de frais de lunettes de soleil dans les temps qui viennent, histoire de ne pas trop bien y voir, dans cette nouvelle donne.

Nouvelle donne géniale, d’ailleurs : les joueurs n’ayant plus de cartes et chacun soupçonnant chacun de bluffer, on ressort de dessous la table des cartes neuves, qu’on redonne à ceux ci précisément à qui on avait confié celles qui ont mystérieusement disparu. Nous avons donc tous choisi de confier tout d’abord nos économies à des prestidigitateurs talentueux qui les ont faites disparaître, et maintenant, en gros, c’est nous qui leur faisons crédit sans intérêts, juste pour les sauver. Quelle bonne idée ! Naomie Klein l’a montré (hein ? Quoi ? je ne vous ai pas encore parlé de Naomie Klein ? Il semble qu’il soit bientôt temps de combler cette lacune…) : les crises, les chocs, les catastrophes permettent de faire passer bien des choses…

On pourrait juste espérer que ce sauvetage généralisé de ceux qui auront tant voulu détruire ce qui les aura finalement sauvé s’assortisse de quelques mesures visant à éviter qu’ils oublient quelle main les nourrit, pour qu’on ne soit pas mordus une seconde fois (mais peut on vraiment avoir espoir que ça n’arrive pas de nouveau, et est on bien sûr qu’une grosse mâchoire n’est pas solidement verrouillée autour de notre jugulaire, là, maintenant, oui oui, maintenant ?). En vrac, je propose tout d’abord que chaque 13 Octobre, on réunisse les élèves de tous les établissements scolaires, et particulièrement ceux des prépas HEC, des grandes écoles de commerce, les filières qui pondent des financiers en veux tu en voilà, qu’on prenne tous ces élèves à têtes de premiers de la classe (mais comment font ils pour être tous, simultanément, aussi premiers de la classe les uns que les autres, seraient ils en compétition ?), et qu’on leur lise la première page du manifeste du parti communiste, histoire de leur rappeler à qui ils doivent de l’avoir finalement conservée, leur Audi A6 dans sa belle finition S-line, qui ils doivent remercier pour être demeurés dans leur quartier protégé, qu’ils ne quitteront que le jour où se formeront sur notre territoire comme ailleurs, de véritables gated communities qui les protègeront mieux de ces pauvres qui leur ont pourtant sauvé la mise, à qui ils sont redevables de pouvoir continuer à regarder de haut les automobilistes fauchés du haut de leur Range Rover Sport, dans leur Armani juste brillant comme il faut. On en rajoutera une couche lors du Guy Môquet’s Day, en rappelant à toutes ces têtes trop blondes pour être honnêtes que si ce type transformé en Sarkoboy de base est mort, c’est pour soutenir les idées qu’eux mêmes combattaient il y a encore quelques semaines, et auxquelles ils doivent néanmoins la peau de leurs fesses. Si ça intéresse quelqu’un à droite, j’ai ramené des USA une excellente sauce qui permet de mieux faire passer les chapeaux quand il s’agit de les manger…

On pourrait aussi ajouter quelques lignes en préambule des contrats de travail de tous ces sauvés de l’humanité : » je soussigné Monsieur Propsurlui reconnaît que s’il peut continuer à gagner autant de fric, c’est grâce à l’aide de ses concitoyens qui se sont côtisés pour tirer de la faillite l’entreprise qui l’embauche, et qu’il avait contribué, parce qu’il avait pensé que l’intérêt était tellement particulier qu’il en était venu à travailler contre son entreprise même, à mettre en péril. » On se demandera d’ailleurs avec une certaine circonspection pourquoi on devrait attendre de ces gens là un quelconque civisme vis à vis de l’Etat (en somme, vis à vis de tous leurs autres concitoyens) quand ils n’auront même pas su faire preuve de solidarité avec leurs collègue de boulot… S’agit il vraiment d’être humains aptes à s’autoréguler comme ils semblent nous le promettre la main sur le coeur, ou d’enfants lâchés sans surveillance dans la cour de récré au milieu de laquelle on aura au préalable posé quelques tablettes de chocolat, en quantité suffisamment insuffisante pour générer en eux des doses belliqueuses d’envie réciproque ?

On pourra, enfin, mettre un terme aux tentatives menées jusqu’à il y a peu pour réorienter les cours de sciences économiques prodigués aux élèves des collèges et lycées, en renonçant à y introduire une dose prosélyte de libéralisme économique. Cela permettra de tordre le cou à une légende récente mais désormais bien enracinée dans les cerveaux : non, non , ce ne sont pas les ouvriers qui dans ce pays cherchent à gagner plus d’argent sans fournir aucun travail. Ca, ce n’est pas la définition de l’ouvrier, mais celle de l’actionnaire. On doit pouvoir apprendre ça aux élèves, non ?

Voici donc venu le temps des réjouissances; et voila donc à quoi ressemble finalement le grand soir que certains espéraient plus ou moins secrètement. Décevant, hein ? Non seulement le capitalisme nous aura essorés de milliers de milliards d’euros, sans qu’il nous vienne une seconde à l’esprit de simplement dire « non », tout ça parce qu’on est tous plus ou moins employés et bénéficiaires de ce système dont on aimerait bien qu’il se vautre tout seul, sans qu’on soit impliqués. En fait, on aimerait bien partir au boulot le matin, et ne s’apprendre qu’une fois devant le JT du soir que le capitalisme est mort, mais que c’est pas grave, on continuera à toucher notre paie, et samedi on pourra aller au supermarché faire les courses de la semaine, c’est juste les riches qui ne sont plus riches et c’est bien fait pour eux (« nous voici entrés dans le règne de l’ordre juste » dirait l’autre !). Mais nous sommes tous compromis, aussi éloignés que nous essayions d’être de ces sympathies pour le démon, et nous avons tous quelque chose à perdre; un crédit à rembourser, deux crédits, trois crédits qui pompent mensuellement dans nos caisses tout juste suffisamment alimentées par nos salaires qui témoignent à longueur de carrière du manque de valeur de notre labeur, une maison qui perd de sa valeur, une voiture qu’il faut bien entretenir, une allure physique qu’il faut entretenir, un beau quartier pour lequel on s’est battus pour y être intégré, des regards envieux posés sur nous dès qu’on dit d’où on vient, et où on va en vacances. Tous, nous avons à y perdre.

Et tous, nous gérons cela comme des gérants de petites entreprises qui ne peuvent se permettre d’avouer que finalement elles connaissent bel et bien la crise, et on se protège, vaille que vaille, chacun pour soi, dans une lutte qui est autant celle des classes que celle de chacun contre chacun. Et maintenant que nous allons tous devenir propriétaires de ces machines abstraites, sans en être suffisamment actionnaires pour en tirer les bénéfices, on pourra se sentir un peu capitalistes en passant devant les bureaux de telle ou telle enseigne de banque, dont on saura qu’elle nous appartient un peu. On pourre toujours essayer d’y entrer, d’aller négligemment vers le tiroir caisse pour y prélever quelques biftons, histoire d’aller à Carrouf’ faire les courses après avoir mine de rien mis la main au panier de la nouvelle stagiaire qu’on a collé à ce guichet un peu plus haut que les autres, qui met bien en valeur son fessier, posé sur trop élevé tabouret de bar. Nous serons chez nous, y aura plus qu’à se servir.

A moins (je me répète, mais ce n’est pas parce que je suis paranoïaque que personne ne nous veut de mal…) qu’en fait, nous soyons nous même une guichetière novice, qui a mal compris qui étaient ces gens qui vont et viennent entre le parking sur lequel ils ont garé leurs camions et la salle des coffres qu’ils vident consciencieusement en nous flattant l’arrière train d’une main leste mais virile. Lors de leur dernier aller retour, ils choperont même notre queue de cheval, tireront un coup en arrière pour nous cambrer et nous glisseront juste à l’oreille « Merci, et encore désolé pour le dérangement, on vous laisse ranger ce bordel ».

On ne se sera aperçu de rien.

2 Comments

  1. Quoi ? Madonna divorce et nous n’avons même pas droit à un post de commentaire…

  2. En temps normal, peut être aurais je trouvé ça intéressant, mais là, _a donne l’impression d’appartenir à « l’ancien monde », d’avajt « ce qui se passe ».

    Cependant, toutes proporitions gafdée, je ne trouve pas ça totalement ininteressant : je vois ça comme des figures en mouvement, un peu comme des astres qui glisseraient lentement sur leur trajectoire. J’ai l’impression qu’on regarde un peu ça de cette manière,a vec un respect, une distante qui deviennent rares, et qui sont peut être très mal placés (mais le respect est souvenet mal placé (dès lors qu’il se place précisément, d’ailleurs, c’est peut ^être déjà mal parti.

    Enfin, je doute qu’il y ait un poste sur la question tout de suite. Mais peut être devrais tenter le coup !! 🙂

Submit a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *