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In CHOSES VUES, MIND STORM, PROPAGANDA
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p107024442Puisque parmi les lecteurs les plus assidus de mes errements mentaux, il y a des spécialistes du risque et des experts de la sécurité, bref, des êtres humains qui se préoccupent un tout petit peu de leurs prochains, voici un petit document qui en dit long sur la manière dont on prend soin de nous.

Ou pas.

Sans doute soucieux de contourner s’accomoder de la loi imposant aux producteurs de spiritueux de rappeler sur leurs propres bouteilles que la consommation d’alcool présente certains dangers, surtout si on a été conçu depuis moins de neuf mois, on note chez certains alcoolistes une certaine tendance à en faire peut être un peu trop dans le registre de l’argumentaire visant à convaincre le consommateur que non, non, on ne lui veut pas de mal (après tout, un consommateur d’alcool vivant est un consommateur potentiel qui demeure, même s’il est capable d’en éliminer d’autre dès qu’il se met au volant, nécessairement inconscient de son inaptitude à contrôler deux tonnes de métal et plastiques recyclables sur des routes qui ont pour première caractéristique d’être partagées avec d’autres « usagers », parfois tout aussi inconscients de leur état, nécessairement inconscient, puisque la conscience de cet état réclamerait précisément de n’avoir pas consommé ce qui rend inconscient, mais bref).

Ainsi, en bordelais, on ne sait plus si on trouve des as du maniement du langage, ou si au contraire on doit subir un argumentaire construit par un stagiaire en communication qui sait moyennement maîtriser sa propre langue et à qui on a demandé de concentrer quinze idées en quatre lignes. C’est sans doute grâce à cet heureux croisement d’exigences contradictoires (mentir, convaincre, rassurer, assurer le plaisir, déculpabiliser le producteur, le distributeur ainsi que le consommateur (et l’Etat, qui fait quand même preuve d’une belle confusion mentale là dessus)) qu’on peut lire sur une bouteille de Côtes de Bourg, provenant du chateau du bois de Tau, (pas mauvaise, d’ailleurs, on se demande pourquoi on a voulu en rajouter en lui collant cette petite préface, si ce n’est pour illustrer l’expression « en faire trop ») un texte que n’importe quel candidat au bac commentera en le scindant en deux parties : tout d’abord, une prise de liberté stylistique, qui fait écrire à son rédacteur « L’authenticité de nos vins est d’exprimer le meilleur de chaque millésime« , passage dont on discernera un peu difficilement le sens (en tous cas, les experts travaillent encore sur la question), et dont on sent bien, à la lecture, que la construction est un peu chaotique. Puis, une affirmation dont on ne sait pas si elle se veut rassurante ou stupéfiante : « en protégeant la pérennité de notre terroir, de notre environnement et du consommateur« . Il est possible (et autorisé), de demeurer quelques instants silencieux avant de goûter ce breuvage, le coude levé, les yeux rivés sur la bouteille, histoire de remettre en relation les mots qui sont censés être liés ensemble par les lois universelles de la grammaire : voila donc un vin qui protège la pérennité de son consommateur. Touchante attention.

Malgré tout, ce praticien chevronné de la formulation accrobatique n’a rien pu faire pour rassurer les femmes enceintes : la consommation du breuvage conçu pour assurer notre pérennité est aussi susceptible de provoquer quelques alterations de notre organisme, susceptibles de remettre en question notre pérennité. C’est mystérieux, mais les lois de la vente de la consommation sont impénétrables, et il est dit que ces dieux là écrivent droit sur des lignes courbes.

C’est du moins ce que croient tous ceux qui se prennent pour Dieu quand ils sont bourrés.

1 Comment

  1. On me permettra de risquer une explication. De simple bon sens, indépendamment de toute qualification professionnelle.

    Certes l’alcool (l’éthanol pour être précis) est classé comme cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer. C’est également un composé toxique pour la reproduction. D’où les obligations d’étiquetage remplies scrupuleusement, à défaut de clairement, par le producteur.

    Cependant ne peut-on pas raisonnablement risquer l’hypothèse que le producteur est également un consommateur ? Car outre la cancérogénicité et la toxicité pour la reproduction, l’alcool est aussi un neurotoxique conséquent. En résumé, que ce soit de façon chronique ou aigüe (binge drinking pour parler français), je n’exclus pas qu’une consommation excessive de la part du rédacteur (dans le but louable de résorber les stocks bien sûr) de C2H5OH (en proportion généralement comprise entre 11 et 13 % du volume total ingéré) soit responsable du martyre subi par la langue française.

    J’emploie le mot martyre à dessein. Je suis surpris que notre ami jkrsb, si perspicace d’habitude, n’ait pas relevé que le nom du château (Tau !) correspond à la lettre dont la forme était justement celle des « croix » utilisées pour la crucifixion, et donc celle de notre Seigneur Jésus Christ, celui même dont le sang est réputé contenir également une proportion indéterminée (est-ce de la piquette, non je penche plutôt pour un grand cru) du même C2H5OH au moment de la transsubstantiation. A moins que ce soit le pinard qui se transforme en sang du Christ, je laisserai le soin à notre ancien calotin de régler la question.

    Sur ce, je vais m’en resservir un (Perrier !) et vous rappeler ce slogan transgénérationel : « Tous bourrés dès huit heures, soutien aux viticulteurs ! »

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