Optimus Prime

In "CE QUI SE PASSE", 24 FPS, 25 FPS, Il voit le mal partout, MIND STORM, SCREENS, SERIAL PORT
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Il y a des tweets, comme ça, qui semblent lancer dans l’air mondial des déclarations flottant quelque part entre le « Autobots, Rassemblement ! » d’Optimus Prime et l’image de Batman projetée dans le ciel perpétuellement nocturne et nuageux de Gotham City. A moins qu’on soit plus proche encore de la Paw Patrol, et de ses petits cabots sympa prêts à éteindre, de leurs petites pattes musclées, les incendies qui menacent la vie sur notre belle planète, si belle planète.

« Membres du G7, rendez-vous dans deux jours ». L’appel sonne solennel. Il sonnennelle. C’est le tocsin. Le vent se lève, le Président a pris son mégaphone planétaire pour envoyer un message d’espoir à l’humanité. Au sommet d’une colline, au pied d’une croix déglinguée, des femmes rassemblent au plus près d’elles, du bout de leurs doigts nerveux et moites, leurs enfants en pleurs, pour mieux capter le message d’espoir. Tout semble filmé au ralenti, un corbeau coasse dans le lointain, une bourrasque de vent néfaste fait voler la jupe de cette mère, et les couettes de sa petite fille sous le ciel planétaire noirci par le brasier dévastant le « poumon du monde ». Ça sent pas bon, cet incendie amazonien, Thanos vient de claquer les doigts et hop, la moitié des arbres de la planète partent en fumée. Mais nous pouvons demeurer confiants en l’avenir, le Président est là. Il a compris notre détresse. Il va nous sauver des méchants. Il appelle ses potes.

The Seven

Ils sont six, plus lui, unis comme les sept doigts de la main d’un monstre.

Ils ne peuvent pas se pifrer, ils ne se rassemblent que pour mieux montrer aux autres l’exclusion dont ils les frappent. Leur réunion, au même moment, au même endroit, réclame de mobiliser une quantité sans équivalent de forces de l’ordre, tant ils sont détestés, non seulement de tous les humains ressortissant de pays exclus du club des sept, mais aussi d’une majeure partie de ceux qu’ils sont censés représenter. Et ils donnent des leçons de démocratie au reste du monde, décidant minoritairement pour tout le monde.

Vous savez bien que les trois mousquetaires sont, en fait, un de plus.

C’est dommage, on ne peut pas faire de parallèle, terme à terme, entre ce G7, et The Seven, groupe de super-héros vedettes de l’excellent série sortie cet été, The Boys. Si à la rigueur Giuseppe Conte peut faire un homme invisible convaincant et si on peut voir,en Angela Merkle une Reine Maeve se demandant, alors qu’elle est revenue de tout, si elle est encore capable de moments d’authenticité, on n’aurait pas suffisamment de raisons d’associer Shinzo Abe à l’aquatique et notoirement obsédé sexuel The Deep, et Boris Johnson n’a pas peut-être pas tout à fait le physique de A-Train. Trump, lui, ne peut guère endosser que son propre rôle, dans son propre scénario; il semble égaré sur une planète qui ne veut pas de lui, extrait aux forceps d’un autre récit qui l’aurait rejeté pour se préserver de lui comme on fait l’ablation d’une tumeur. Il est là, aussi déplacé que le serait Nelly Olson au beau milieu de L’Île aux enfants, incompris, ce dont il se fout totalement, puisqu’il est d’ailleurs. Trudeau demeure le gars dont on se demande ce qu’il fout là. Bon copain, poli, du genre à rendre service, mais un peu insipide, il est là sans l’être, avec ce manque d’incarnation qui caractérise parfois ceux qui se contentent d’être « beaux gosses ». Théoriquement, il devrait être proche de Macron, avec lequel il pourrait avoir des affinités, mais l’autre prend tellement toute la place qu’il ne laisse aucune place autour de lui, considérant que tout ce qui s’approche trop près n’est pas un allié, mais un concurrent. Et Macron semble suffisamment persuadé de son propre charme pour se croire, sur ce terrain, en compétition avec son homologue canadien. L’inconscient.

The Homelander

Reste donc Macron. Et malheureusement, on sait trop bien quel rôle lui donner. Car dans The Boys, « Les Sept » ont un chef, du moins un être qui se pense suffisamment puissant pour se trouver à la tête des autres, un homme doté de pouvoirs de destruction suffisamment massifs pour pouvoir prétendre imposer son bon vouloir, quand bien même rien de le place démocratiquement à une telle place. En VO, il s’appelle The Homelander, en vf, il devient Le Protecteur. Il est génialement interprété par Antony Starr, qu’on connaissait déjà dans le premier rôle de la très bonne série Banshee et il apporte à ce Superman 2.0 toute son ambiguïté, cette manière de protéger les gens tout en les glaçant d’effroi. Dans les deux versions, il est flippant d’absolue artificialité. C’est un homme construit pour la situation, ne perdant jamais ses objectifs de vue, capable d’absolument tout pour parvenir à ses fins, alors même que ces fins sont par définitions hors d’atteinte : le pouvoir n’est pas un objet qu’on puisse posséder, en disposer totalement, ce serait avoir perdu la nécessité d’en être détenteur, puisque plus rien ne s’y opposerait. Il lui faut donc, pour relancer sans cesse sa propre soif de puissance, générer lui-même ce qui viendra lui faire obstacle, décrétant qu’untel est un ennemi, signant des pactes avec les uns, les dénonçant aussitôt, jouant de la négociation et de la diplomatie avec le talent d’un Gribouille qui se prendrait pour Léonard de Vinci. A vrai dire, peu importe : à la fin, il dispose de la violence comme arme ultime pour remettre de l’ordre là où il a foutu un sacré bordel.

Incarnant le bien, faisant le mal, The Homelander est un personnage qui ne cesse de devoir se rattraper lui-même, quelle que soit la direction dans laquelle il va : celle-ci n’est jamais la bonne, puisque ça ne peut pas être la seule. D’où sa conviction qu’avec lui, on passe à autre chose, une sorte de phase synthétique de l’histoire au cours de laquelle les contraires fusionnent et ne se contredisent plus, ce qui permet de dire tout et son contraire sans reconnaître qu’on s’est contredit.

Il faut reconnaître à Emmanuel Macron ce talent : en lui coexistent des énergies parfaitement incompatibles. On se souvient qu’au moment de tension maximale entre le mouvement des gilets jaunes et ce qui se présentait sous le nom de « maintien de l’ordre », le ministre de l’intérieur annonçait qu’il allait employer la stratégie de la sidération. En réalité, ce que M. Castaner exprimait ainsi, c’était le propre de la politique macronienne dans sa totalité : prendre tout le monde de court, en ouvrant grand les portes d’un nouvel univers caractérisé par une règle qui n’en est pas une : désormais, tout peut arriver. Autant ne se préparer à rien.

La conséquence principale, c’est que peu à peu, on ne s’étonne plus de rien, tout semble parfaitement normal. Mais parmi les dégâts collatéraux, il y a ceci, qui pose politiquement problème : le pouvoir n’est plus responsable de rien. D’une part, parce qu’il a pris une confiance monstrueuse en lui-même, qui lui permet d’agir sans donner de comptes. C’est sur cette absence des principes qu’il peut réaliser ce que ses prédécesseurs n’avaient même pas osé. N’étant plus responsable de rien, la question de savoir s’il est, ou pas, la cause de ce qui arrive ne se pose même plus. En cela, il rejoint exactement le sombre héros de la série The Boys : quand on le soupçonne d’avoir créé lui-même les ennemis qui vont justifier qu’on lui donne le droit d’user de ses immenses pouvoirs sans rendre de comptes de cet usage, on se rend compte qu’on a passé le cap au-delà duquel il n’est plus utile de l’en accuser, ou pas. Il met le monde devant le fait accompli. Voila, c’est fait, on n’as plus qu’à enregistrer l’information, et à faire avec.

Désormais, quand une catastrophe a lieu, il est nécessaire d’en tirer parti, de la transformer en aubaine. Ainsi, plus rien n’est vraiment un problème, tout devient solution. Ainsi, la forêt amazonienne brûle-t-elle ? C’est une bonne chose ! Ça donne enfin l’occasion de se poser en sauveur, là où quelques jours plus tôt on tabassait cordialement ceux-là même qui soulevaient les mêmes inquiétudes. Et tout en signant d’une main le CETA, qui pose de graves problèmes quant aux objectifs environnementaux dont ils semble soudainement s’inquiéter, ne serait-ce qu’en vertu du fait même qu’il encourage le commerce transcontinental de biens qui pourraient parfaitement être consommés là où ils sont produits, il dénonce de l’autre main le MERCOSUR qui lui ressemble tant. Cette double nature n’est pas un dégât collatéral de son « réalisme politique », elle est l’essence même du genre de pouvoir qu’il exerce : rentabiliser tout ce qui peut l’être pour gagner, non pas en efficacité, mais en puissance. C’est la raison pour laquelle son entourage politique est lui aussi passé maître dans l’art de la duplicité. On se souvient du jour où ils invitèrent Greta Thunberg à l’Assemblée, alors que le jour même ils ratifiaient le CETA.

Forces de frappe

Ce G7 est la mise en scène de désaccords qui, face à ce qui guette l’humanité, relèvent en fait de points de détail. Sur l’essentiel, c’est à dire sur la cause de ce danger universel, ils sont d’accord : ils veulent commercer. C’est sur l’organisation même du commerce qu’il y a désaccord, pour la simple et logique raison que lorsque des peuples « échangent », aucun n’a envie d’être perdant. Or tout le monde ne peut pas gagner et ceux qui sont gagnants ont intérêt à ce que les règles internationales les assurent de demeurer ceux qui tirent les marrons chauds des braises du commerce international. Sur le fond, c’est à dire sur cette logique qui veut que cette planète soit uniquement envisagée comme un stock de ressources à exploiter pour générer le plus commerce le plus gros possible, tout le monde est d’accord pour ne surtout pas le remettre en question.

Serait-ce la première fois qu’on voit notre Président profiter des courants ascendants flottant au-dessus d’un incendie ? Chacun connait la réponse : on a déjà vu cette scène quelque part, et tout le monde s’amuse déjà en imaginant Emmanuel Macron annonçant que la forêt amazonienne sera restaurée en cinq ans. Le feu attise l’imaginaire politique, il donne de la hauteur à celui qui, opportunément, prétend le combattre. On se souvient des déclarations soubiresques de Brigitte Macron, qui avait le sentiment que Notre-Dame nous disait quelque chose à travers son propre incendie. Ah… la ventriloquie… Hier, le couple présidentiel faisait parler une cathédrale. Maintenant, Emmanuel Macron entend l’appel de l’océan, dans son dos, depuis la plage de Biarritz. Et au loin, il perçoit les gémissements de la forêt amazonienne. Elle l’appelle, elle le convoque, elle le désigne.

Il oublie un truc. Cette forêt n’a pas attendu ce bourgeonnement incendiaire pour être en danger. Elle est, au même titre que tout le reste des ressources de la planète, l’objet d’une prédation. Ces espaces peuvent être rentabilisés. Et c’est là le nerf de la paix : la rentabilité, l’exploitation. Il le sait bien, lui, qui coupe peut-être moins d’arbres, mais n’hésite pas à tailler sévèrement dans sa propre population. Il peut toujours jouer la grande scène de la soudaine vocation, il peut toujours prendre des airs de converti, il n’en demeure pas moins qu’il y a quelques semaines, quand des citoyens battaient le pavé pour tenir, exactement, le même discours, alertant sur les dangers de l’inaction face aux dangers qui menacent tout le monde, et particulièrement les plus faibles, il envoyait ses forces pour rétablir l’ordre. Et on sait de quelle manière :

Peu importe donc la cause. Ce qui lui importe, c’est d’en tirer, lui, le bénéfice. Ainsi, il est capable de se faire aujourd’hui le héraut d’une cause qu’il réprimait violemment il y a deux mois, parce qu’il lui importe que ce qui pourrait faire l’objet d’une adhésion populaire lui soit réservé. Il importe que la cause le serve, et non qu’il serve la cause. Les militants, quels qu’ils soient, sont dès lors des concurrents sur la scène de l’opinion favorable, cette ressource dont il manque trop pour laisser les autres la capter.

Les alliés qu’il appelle à la rescousse, ils étaient là, fin juin, sur le Pont de Sully. Et chacun peut être témoin, et de leur non violence, et de la façon dont ce pouvoir politique les a traités. Affirmer aujourd’hui qu’il négocie âprement avec ses collègues lors de ce G7 est absurde. Il n’y a rien à négocier, puisque comme on l’a dit, ils sont d’accord sur le fond : il faut exploiter davantage, rentabiliser davantage, et gagner davantage. Disons ça autrement : les 7 pays les plus puissants du monde, c’est à dire les plus riches, se réunissent pour définir la façon dont ils seront demain plus riches qu’ils ne le sont aujourd’hui. Ils ne sont pas concurrents, puisque les véritables concurrents, ce sont les 190 autres Etats, qui ne sont pas invités. Ça fait des mois qu’Emmanuel Macron est invité par ses propres citoyens à débattre, et à négocier. Il ne rate pas une occasion de rappeler que, puisqu’il est élu, il n’y a plus rien à négocier. Cela fait des mois que l’écologie, la question de la transition énergétique, est peu à peu reléguée, délaissée, puis carrément abandonnée par ce pouvoir. Après avoir installé Nicolas Hulot comme n°2 du gouvernement, on a vu celui-ci contraint d’abandonner ce combat, constatant qu’il ne servait qu’à masquer le fait que rien de décisif ne serait jamais mis en oeuvre, puis remplacé par quelqu’un dont on se demandait si on ne l’avait pas choisi pour rassurer les marchés, tant il semblait dénué de toute forme d’une quelconque crédibilité à ce poste. Depuis, on peut considérer qu’il n’y a plus de ministre en charge de l’environnement, de la question énergétique, et des engagements climatiques de la France.

Contre-appel

Cerise sur le gâteau : aujourd’hui même, le Grand Conseil coutumier des peuples amérindien et bushinengé publie une tribune sur France Info, renvoyant Bolonasro et Macron dos à dos, comme deux figures concurrentes au sein du mécanisme dont ces peuples amazoniens sont victimes : « ce ne sont pas de simples feux, c’est l’oeuvre du capitalisme ». Et ce texte dit aussi, suffisamment, comment c’est aussi l’oeuvre, encore, d’un certain impérialisme.

On comprend mieux pourquoi, au premier abord, Emmanuel Macron faisait penser aux Transformers lançant à travers l’univers un appel à sauver la Terre. On sait comment ces êtres mécaniques s’y prennent pour mener ce genre de combat : ils détruisent tout, au point qu’on peut se demander, du combat et de la salvation, lequel des deux sert de prétexte à l’autre. Après tout, l’existence de ces engins est vouée au mouvement, et si celui-ci venait à s’arrêter, il faudrait certainement susciter la nécessité de le relancer à nouveau. Ils ont ça dans le fluide qui coule dans leurs durites. Un homme tel que le chef de notre Etat n’est rien d’autre que le représentant, non d’un peuple, mais du principe auquel ce peuple est lié. La production, et la consommation, la production de richesse en somme. Une fois lancé, on voit que ce mécanisme a besoin de s’entretenir lui-même, parce qu’il détruit tout ce qui pourrait lui tenir lieu d’alternative.

La volonté de sauver la forêt amazonienne n’est donc rien d’autre que le prétexte à poursuivre, et à accélérer les raisons mêmes pour lesquelles on la détruit.


Il vous plait, le croisement improbable entre les visages d’Emmanuel Macron et de Greta Thunberg ? Je vois, vous n’aimez vraiment pas les enfants :

Voici donc, contemplable à l’infini, cette icone. Pour les quelques-uns qui ne le connaîtrait pas, c’est l’oeuvre d’un gars doué de la palette graphique, qui publie entre autres sur twitter. Suivez le compte GuillaumeTC et vous trouverez plein d’autres croisements que la nature réprouverait, sous le hashtag #croisonsles, mais que la raison approuve, signe que ce n’est pas seulement lorsqu’elle sommeille qu’elle produit des monstres. Et c’est souvent tout à fait réjouissant.

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